"Parcours Croisés" - Suite - Chapitre 33

Parcours croisés – Vendredi
Chapitre 33
Véronique

Les petites bulles remontent le long de mes jambes ; c’est délassant, ça chatouille un peu … agréable … j’ai réduit le débit ; non pas que je n’aimais pas, mais le ronronnement du moteur est moins fort, plus doux maintenant. J’ai exagéré, présumé des mes forces ; deux garçons pour moi toute seule, c’était un vieux fantasme ; maintenant c’est de l’histoire, un souvenir, joli souvenir … et puis j’oublierai sans doute la douleur … Sur le moment, dans le feu de l’action, pour rien au monde j’aurais laissé ma place ; c’est après … ouille ! Ouille ! Ouille ! J’ai fait exprès de choisir Alain, que ce soit lui qui me prenne derrière ; je voulais ça … il est plus gros et plus long que Jérémy, et c’est ce que je voulais ; pourquoi ? Les sensations fortes c’est bien, c’était même très bien, mais maintenant je paye cash … il m’a un peu déchirée, je saigne un peu ; « il m’a déchirée » : j’ ! C’est autant ma faute que la sienne, voire plus ! Je l’ai choisi et je n’étais pas obligée de me déchaîner comme je l’ai fait, c’était trop bon … Et ce bain bouillonnant maintenant, le pied ! Ce Jérémy est une relation à cultiver ! Superbe maison, piscine, beau gosse, et malgré tout, je n’ai pas vraiment envie de m’accrocher à lui … Je me suis invitée dans son lit et la nuit était belle dans ses bras, mais … je n’ai pas envie d’exclusivité, de nouer une relation suivie avec lui. Leur demander de me faire l’amour, tous les deux, c’était aussi pour ça, pour désamorcer l’effet de la nuit passée ensemble, et je ne croyais pas qu’ils me prendraient au mot … Jérémy doit me prendre pour une débauchée, une fille facile, s’il savait … La nuit avec lui était la première depuis … six mois ? Au moins … ce n’est pas grave, tant pis, qu’il me prenne pour ce qu’il voudra, mais je n’ai pas envie d’attache pour le moment. Je demanderai quand même à Alain de lui en dire deux mots. Je ne m’en fiche pas tant que ça, faut croire, qu’il me considère comme une traînée.


- Tu t’es endormie ? Tu vas fondre si tu restes encore là dedans !
- Je ne dors pas … je suis bien … mais c’est un peu froid, t’as raison, je sors …
Alain m’a aidé à sortir du bain et m’a accueillie au pied de la baignoire avec un grand drap tout chaud et je me suis blottie dans ses bras :
- Tu m’as fait mal !
- Pardonne-moi … mais j’ai eu l’impression que c’était ce que tu voulais …
- Peut-être, mais tu m’as fait mal quand même …
Il m’a épongée, séchée des pieds à la tête, tout doucement :
- J’ai l’impression de faire un saut dans le temps … de revenir au temps de la fac …
- Moi aussi ! C’est étonnant de se retrouver ! T’es encore en contact avec les autres ?
- Pas vraiment … quelques mails de Catherine de temps en temps. Tu es partie la première, et puis Pascal, et c’était plus pareil … on s’est perdus de vue …
- Elle devient quoi ? Cath ?
- Mariée, trois s, elle vit en Guyane avec son mari, à Kourou !
- Et les autres ?
- Aucune idée. T’as changée … plus ronde …
- Je suis grosse ?
- Non ! Plus de formes, plus femme ! Mais non, t’es pas grosse ! Très jolie femme !
- Dis, Alain … Jérémy … je me suis un peu conduite comme une traînée ! Je ne suis pas comme ça, tu sais ! Mais … je ne voulais pas lui donner trop d’idées, enfin … tu comprends ?
- T’inquiète pas … on a un peu parlé … et … tu sais, il tient beaucoup à son indépendance !
- Ah ?
- Quoi, t’es déçue ?
- Non non ! Au contraire … enfin … c’aurait été flatteur qu’un gars comme lui s’intéresse à moi ! Mais, moi aussi, j’aime autant que ça en reste là … quitte à le revoir, j’aimerais bien d’ailleurs, mais … copains, quoi !
- Alors tout va bien, vous êtes sur la même longueur d’ondes ! Et il ne savait pas trop comment te le faire comprendre, sans te vexer !
C’’était idiot, j’étais rassurée, bien sûr, mais en même temps … ça m’aurait plu qu’il s’accroche un peu !
Une petite pointe d’orgueil blessé … pas très logique tout ça … Alain ne s’est pas trompé sur ma petite moue et m’a bousculée en riant :
- Oh ! Toi ! Tu te voyais bien en femme fatale, à repousser les avances d’un amoureux !
J’ai ri avec lui en haussant les épaules :
- C’est toujours flatteur !
- Allez ! On descend ! On va retrouver les filles !
- Ah oui ! Elles ont appelé ? Ça va ?
- Ça va, elles te raconteront !

Jérémy nous a raccompagnés chez Alain, mais n’est pas resté, promettant malgré tout de nous rejoindre dans la soirée.
Martina et Annie étaient dans le salon, discutant dans le canapé quand on est rentrés. Alain s’est agenouillé devant Annie en prenant ses mains dans les siennes :
- Alors ?
- T’as bien vu en arrivant ! Pas de camion garé devant chez moi ! … parti !
Je me suis assise sur l’accoudoir du canapé à côté d’Annie :
- Pas de cris ?
- Non, pas de cris !
- Et ? La suite ?
- Eh bien, il ne reviendra plus, j’ai réussi à lui dire … que je voulais plus de lui chez moi, plus jamais …
- Et c’est fini ! Comme ça !
- Oui, comme ça … il a rempli un sac et une valise, et il est parti, sans doute finir son week-end où il l’avait commencé … et je ferai ses cartons la semaine prochaine … fini … me voilà une femme seule …
- T’es triste …
- Non, même pas ! Du tout !
Martina a posé son bras sur les épaules d’Annie :
- Quand on est arrivées le camion de son mari était déjà là et elle partie le retrouver. Moi, j’étais inquiète ! Je tournais en rond, je guettais depuis la terrasse ! Je me faisais des films, qu’il allait gueuler, que j’entendrais des cris ! J’imaginais Annie avec un œil au beurre noir ! L’horreur ! j’arrivais pas à tenir en place … et puis au bout de trois quart d’heure, j’ai entendu le camion démarrer et s’en aller … j’ai attendu un moment et puis je me suis approchée du muret, et rien, pas un bruit … j’osais pas aller la voir … des fois qu’il serait revenu … et puis au bout d’un bon moment, devinez ce que je vois … Annie, tranquillement en train d’arroser ses fleurs avec son jet d’eau … moi je l’imaginais effondrée, ou blessée, même, et je me rongeais les ongles sans savoir quoi faire, et Madame arrosait ses fleurs …
- J’avais la tête un peu vide, je ne pensais pas à grand-chose, pardonne-moi …
- Et il est parti ? Sans rien dire ?
- Je l’ai pas laissé parler … j’ai débité tout ce que j’avais à lui dire … c’est tout …
- Mais maintenant …
- Je vais emballer dans des cartons tout ce qui est à lui, je veux plus le voir chez moi, fini !
- Ça ne se passe pas toujours aussi bien …
Je me souvenais de ma dernière rupture, de ce que Martina m’avait raconté de son divorce, de ce qu’elle avait dit du divorce d’Alain … non, ça ne passait pas toujours bien … Moi, il partait, puis revenait, il s’accrochait, refusant la séparation, c’était allé très loin, quasiment jusqu’au viol parce que je me refusais à lui … et j’avais dû déménager, trouver du travail ailleurs, sans laisser d’adresse.
Il était allé harceler mes parents, mon employeur, pour me retrouver, jusqu’à ce que je porte plainte … Non, c’était rarement aussi simple !
- Et je n’ai pas fini … vous devinerez jamais … cette fois encore, il lui avait ramené un cadeau !
- Comment ça ?
- Mais si, Véro … l’armoire aux secrets …
- NON !
- Si … en partant il l’a laissé sur mon lit, comme d’habitude ! Je ne voulais pas le garder, mais quand Tina a vu le paquet, elle a absolument voulu l’ouvrir …
- Eh ! dis-donc, toi ! Tu ne t’es pas beaucoup fait prier pour l’ouvrir !
- C’est vrai ! Je suis curieuse aussi …
Cette fois c’est Alain qui a été le plus curieux et qui a posé la question avant moi :
- Et c’est quoi ce cadeau ? On peut savoir ?
Martina s’est penché vers lui et lui a posé un baiser sur la bouche :
- Tu ne connais pas l’armoire aux secrets, toi ! Nous si ! Véro et moi on a déjà jeté un coup d’œil … et, si Annie est d’accord, bien sûr, tu pourras profiter des derniers cadeaux … ça correspond très exactement à tes récentes promesses …
- C’est quoi ses promesses ? Vous ne me dites jamais rien à moi !
Annie s’est passé la langue sur les lèvres d’un air gourmand :
- Je me suis engagée auprès d’Alain et Martina à leur offrir l’usage de mes fesses … ce que je n’apprécie à priori pas … à la condition qu’il en fasse autant à notre intention …
- Waouh ! Juste retour des choses … et t’as accepté Alain ?
On le regardait toutes les trois. Il hésitait à répondre, nous regardant les unes après les autres …
- Chéri, le dernier objet est tout à fait ce qu’il nous faut … tu ne seras pas déçu …
Annie a renchérit en s’adressant à Martina :
- Peut-être un peu surdimensionné pour une première, il serait plus sage de l’habi plus progressivement … quoique, pourquoi pas …
- Hola ! hola ! Les filles ! J’ai encore mon mot à dire !
Je n’ai pas pu m’empêcher d’intervenir :
- Dis-donc ! Toi ! Après ce que tu m’as fait ce matin ! Tu ne vas pas faire ton timide !
Martina a pris Alain par l’oreille :
- Qu’est-ce que t’as fait à ma copine, vilain Monsieur ?
- Il m’a tellement brutalisée qu’il m’a fait !
- Euh… pardon ! Cette demoiselle était tellement déchaînée qu’elle s’est fait ça toute seule ! Même Jérémy, qui en a pourtant vu d’autres en était estomaqué !
- Parce que Jérémy était de la fête ?
Martina et Annie me regardaient les sourcils levés, attendant ma confirmation :
- Ben … je me suis offert un petit plaisir … vous m’aviez laissée toute seule entre leurs griffes … ils m’ont fait subir les derniers outrages, tous les deux, en même temps …
- Et ?
- Et … Annie, si je peux te donner un conseil, crois-en mon expérience récente, sois prudente avec Alain … Mais ce cadeau … on peut le voir ?
- On te le montrera plus tard, on va le cacher à Alain jusqu’au dernier moment !
Annie s’est tournée vers Martina et a commencé à délacer les cordons qui tenaient fermée sa blouse :
- En fait il y avait deux cadeaux … et voilà le second …
Elle a fini de délacer et a fait glisser la blouse sur les épaules de Martina, découvrant ses seins.
Alain et moi sommes restés ébahis. Ensemble nous avons eu le même geste ; approchant une main on a passé un doigt chacun sur un téton emprisonné dans un fin anneau noir, fièrement dressé au-dessus d’un petit coquillage d’argent qui se balançait dessous :
- Ça lui va si bien, tellement mieux que ça ne m’irait … le bijou est à elle, Alain … comment tu le trouves ?
- … superbe … c’est superbe … j’aimerais le lui avoir offert moi-même … c’est le second qui m’inquiète … je peux revenir sur ma promesse ?
- NOOOON !
Martina et Annie ont répondu d’une seule voix en éclatant de rire. Annie a remonté la blouse de Martina sur ses épaules et a renoué le cordon. Elles s’étaient faites belles toutes les deux : finis les paréos. Annie avait un pantalon en lin noir taille basse, un peu bouffant, serré aux chevilles et un petit haut en soie blanc et argent qui découvrait son nombril orné d’un clip bleu aussi lumineux que ses yeux. La blouse ample de Martina, à peine cintrée à la taille, s’ouvrait en corolle sur ses hanches, ses longues jambes découvertes très haut par une mini-jupe noire en stretch. Pieds nus toutes les deux, elles ont débarrassé la table basse du salon et installé les salades et la tarte qu’on a mangées dans des assiettes en carton. Après le repas pour ne pas être en reste, je suis allée chercher mon sac dans la voiture que j’avais emporté avec de quoi me changer, pensant bien prolonger ma présence au-delà du barbecue. Ma robe en soie indienne était à la hauteur … enfin ! Très courte … mais chic, blousante jusqu’aux hanches, droite jusqu’à mi-cuisse ; ni soutien-gorge, ni culotte … fait chaud …
Martina rangeait sa maison, Alain était sur internet. J’ai pris Annie par le bras et murmuré à son oreille :
- Tu me montres le second jouet qu’il t’a laissé ?
Elle m’a regardé avec un petit sourire coquin, m’a pris par le bras et m’a entraînée vers chez elle. Le dernier objet m’intéressait, c’est vrai, mais je voulais surtout qu’elle ouvre une nouvelle fois son armoire, et prendre mon temps … fouiller un peu …
- Tu n’es pas encore rassasiée ? Après la nuit et la matinée que t’as passées ?
- Eh oui ! Mais je suis une grande curieuse ! Tous ces trucs … je n’ai jamais mis les pieds dans un sex-shop, moi ; je n’en avais jamais vu autant ! Et je veux tout voir …
Elle m’a conduit directement dans la chambre du fond et une fois les portes ouvertes, elle m’a laissée seule :
- Fouille autant que tu veux, je te laisse un moment …
Et j’ai fouillé, commençant par l’étagère du haut, debout sur une chaise. Je prenais les godes en main, les tout lisses, les réalistes, les gros les petits, les souples, les durs … des godes assez classiques, même un strictement identique à celui qui était tout au fond du tiroir où je range mes des-ous, dans ma chambre … et puis je me suis dit que s’ils étaient sur l’étagère du haut, c’est sans doute qu’ils n’étaient pas vraiment utilisés ; je suis descendue de la chaise pour examiner les trois étagères à hauteur d’œil. En haut, des menottes, des cordes, des baillons, des boules de geisha, deux cravaches, un fouet, étaient bien rangés sur l’avant de l’étagère. Du fond j’ai sorti une culotte en latex avec un gode de caoutchouc à l’intérieur, un second plus gros à l’extérieur, deux harnais en cuir sur lesquels étaient fixés de gros godes : il fantasmait là-dessus son mari ? Si Annie n’a pas raconté d’histoires, ils n’ont jamais dû servir ! Je n’ai pas pu m’empêcher … je les ai sentis, ça sentait le caoutchouc neuf … Encore en dessous, comment elle avait dit déjà ? Ah oui ! Des plugs ! De toutes les tailles, des plutôt mignons et des énormes, avec des ventouses ou avec de petites poires ; j’ai essayé : ils me paraissaient déjà gros … mais une fois gonflés ! Ouille ouille ! Ça devait être quelque chose de géant ! Et puis d’autres avec des boules de différents diamètres, des noirs, des roses.
L’avant dernière étagère était garnies de trucs plus bizarres ; des boîtiers électroniques avec des objets de toutes tailles en métal, « électrostimulation », j’en frissonnais, et puis des chaînes se terminant par des pinces, il y avait même des spéculums, comme chez ma gynéco, et des aiguilles dans une boîte, encore emballées en pochettes stériles … c’était un malade son mec ! Enfin après tout, elles n’avaient pas servies ! Sur le côté de l’étagère, j’ai vu de gros anneaux en métal, un tube de plastique avec une pompe, des anneaux en caoutchouc avec des vibrateurs, d’autres collés ou soudés par trois : plutôt masculin, cette zone … et un coffret à bijoux, que j’ai vidé sur le lit, contenait des clips, des pinces … comme le clip qu’elle avait sur le nombril cet après-midi. Tout en bas il ya avait deux moulages de bras, grandeur nature, un poing fermé et le second doigt tendus, un grand crochet en métal terminé par une boule, et encore des cordes et des cravaches : elle pouvait monter un magasin ! … au moins deux cents objets … Elle était où, au fait ? Elle m’avait abandonnée ?
- Annie ? T’es où ?
- Ici …
J’ai traversé le couloir. Elle lisait sur son lit, attendant sagement que j’aie fini de fouiller son armoire :
- Tu fais sérieuse avec tes lunettes … et sexy avec ton petit shorty …
Elle avait enlevé son pantalon pour s’installer sur son lit. Son shorty satin baillait un tout petit peu, laissant entrevoir un éclair noir en haut des ses cuisses, et je regardais en douce …
- T’as déjà tout regardé ?
- Penses-tu, il me faudrait des heures … et parfois aussi une explication … certains trucs, je n’imagine pas très bien l’usage qu’on peut en faire !
Je me suis installée sur le lit à côté d’elle, contre son épaule. Elle a refermé son livre en glissant ses lunettes à l’intérieur. Pendant qu’elle s’étirait, bras hauts tendus vers le plafond, j’ai posé ma main sur son ventre découvert, au dessus du shorty :
- Je t’empêche de lire …
- Non, je t’attendais …
Elle s’est tournée vers moi, un coude sur l’oreiller, l’autre main entre nous deux … j’aurais aimé qu’elle la pose sur moi ; j’hésitais ; quand elle s’était tournée, ma main sur son ventre avait glissé sur sa hanche ; Martina aurait pris les devants … je provoquais, et elle faisait le premier geste, toujours … et là, je ne savais pas trop … copine ? Ou … je me suis redressée sur un coude au-dessus d’elle et je l’ai embrassée sur la joue … toujours ce petit sourire, et ce regard … elle a des yeux cette fille ! Le sourire qui s’élargit … sourcils levés … quoi ? Qu’est-ce que tu veux ? Dis-moi … j’ai remonté ma main sous sa blouse, caressant sa peau douce, effleuré le renflement du sein du pouce, presque par inadvertance, et son sourire s’est encore agrandi, a gagné ses yeux … j’ai pris son sein dans ma main … sa petite voix douce :
- T’en as mis du temps ! T’es moins timide avec les garçons !
- Je ne savais pas …
- Idiote … je t’attendais …
Après la furia de ce matin avec les deux garçons, ça a été un moment très doux, tendre … décidément, je crois que je préfère les filles aux hommes …

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